Lorsque
j'étais enfant, je vouais une admiration particulière pour un de mes
oncles qui avait quitté la SNCF pour s'installer à son compte comme
garagiste. Les premières années furent pour lui un pari risqué et
difficile, travaillant seul dans un petit garage en location. Puis, à
la force des poignets, son affaire pris de l'ampleur et il devint agent
d'une marque française trés en vogue dans les années 60-70 : "SIMCA"...
Le garage
comptait six mécanos en plus de mon oncle, avant que sa fille ainée ne
vienne tenir la comptabilité. Tout petit, j'avais la passion des
arondes et des autres modèles plus modernes qui allaient et venaient
dans ce garage dynamique d'Amiens. Lorsque mes parents qui possèdaient
à l'époque une DS cherchaient après moi, il leur arrivait fréquemment
de me retrouver enfermé dans une aronde P60 de la famille ou celle d'un
client, car j'étais spécialement amoureux de ce modèle là...
Plus tard, vers l'âge de 12 ans, je m'empressais d'enfiler mon petit
bleu de travail que m'avait offert mon oncle, et j'allais balayer le
garage chaque samedi aprés-midi, pour la modique somme de 20 francs !
Ce n'était pas pour l'argent, et je prenais tout mon temps car j'étais
au paradis, entouré de toutes ces belles voitures et des tous les
outils de réparation...
Je me souviens encore parfaitement de l'odeur mélangée des produits de
carrosserie et des lubrifiants de la petite station service "ANTAR",
qui parfumait tout le garage ...
Lorsque j'ai eu mon permis de conduire, je me suis en quête d'une
aronde P60, bien entendu, mais elles étaient devenues rares... Surtout
en bon état. Aussi je me suis rabattu sur une simca 1100 que m'avait
offerte mon ancienne institutrice, et qui avait de ce fait encore plus
de valeur à mes yeux. Cette voiture avait 10 ans mais
elle était comme
neuve, et je l'ai conservée 7 années, parcourant à son volant plus de
150 000 kms.
1986 : Je me souviens avoir eu la larme à l'oeil lorsque mon oncle a
décidé de fermer son garage, après que la marque simca devenue "Talbot"
ait été lâchée par Le groupe PSA, sur fond de grèves à répétition à
Poissy...
Et
puis les années ont passé, et en 2000, après avoir eu nombre de
véhicules modernes de différentes marques étrangères ( j'avais toujours
une dent contre Peugeot ! ), je me suis enfin trouvé le temps et les
moyens d'honorer mon rêve de gamin, acquérir "mon aronde P60" !
Non sans mal, je me suis mis à la recherche de la plus belle P60 que je
pouvais encore dénicher et j'ai parcouru pour cela toute la France,
souvent déçu par l'état dans lequel je trouvais les autos des petites
annonces ou que mes amis m'avaient signalées.
C'est deux années plus tard que mon rêve allait enfin pouvoir se
réaliser... Mon aronde P60, celle dont je rêvais depuis si longtemps,
elle m'attendait sagement au fond du pays de Bresse, dans l'Ain.
Elle était "bleu pervenche", appartenait depuis toujours à la même
famille alors que le grand-père qui l'avait achetée neuve en janvier
1961 était depuis longtemps déjà décédé. Du coup, elle n'était presque
jamais sortie et avait moins de 10 000 kms d'origine !
Aujourd'hui cette aronde affiche toujours fièrement "14 750" kms au centre de son compteur chromé sur fond noir.
Je ne l'avais pas imaginé, mais l'arrivée de cette voiture a bousculé ma vie.
La voiture ancienne, c'est tout un art de vivre. Tout est différent à
son bord : la route, les week-ends, les voyages, les amis que l'on
cotoie...
Tout change de nature et une passion émerge, mélange de
souvenirs nostalgiques qui remontent à la
surface et de
l'émerveillement des enfants à la vue de ces autos "extra terrestres"
au bruit bizarre et si drôles à contempler...
La voiture
ancienne, c'est un témoin "vivant" du passé, "en chair et en os", de
taille réelle, avec le bruit, l'odeur, les sensations de conduite de
cette époque...
La voiture ancienne, c'est tout simplement une machine à remonter le temps.
François GRENIER.
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