L’ex-ministre de l’Intérieur obtient aujourd'hui deux relaxes majeures...
et une simple condamnation avec sursis dans le seul dossier Sofremi.
"Nous verrons ce que nous ferons de la condamnation avec sursis"...L'ancien Ministre de l'Intérieur et Président du RPF s'est déclaré « toujours aussi ferme et combatif ! »
30/04/2010 - 12h00...
La première chambre du tribunal de Paris, où siège la CJR (Cour de justice de la République), est prise d’assaut par une foule compacte, fébrile. Une vingtaine de caméras se préparent à immortaliser l’instant, forcément historique si le sénateur UMP de 83 ans est condamné à de la prison ferme et déchu de ses droits électifs, comme l’a requis l’avocat général jeudi. A 12h15, ce vendredi 30 avril, Charles Pasqua pénètre dans la salle d’audience. Son visage n’exprime rien. Pourtant, on scrute ses traits, on guette une grimace ou un sourire laissant supposer que l’un de ses pairs, juges parlementaires, a trahi le secret du délibéré. Apparemment, il n’est pas dans la confidence. Tout juste doit-il savoir, à l’instar des journalistes, que des membres de la cour ont quitté le palais à 21h15 la veille ; le vote a donc été rapide.Ce vendredi, donc, le vieux gaulliste attend, stoïquement. A 12h27, la cour fait son entrée. « Monsieur Pasqua, veuillez-vous lever pour entendre l’arrêt », invite le président Le Gall.
« Non coupable » de corruption passive dans le dossier du casino d’Annemasse.
« Non coupable » de complicité d’abus de biens sociaux et recel dans le déménagement de GEC-Alsthom.
M. Pasqua, costume bleu marine, mains croisés dans le dos, jette un regard à l’illustre plafond sous lequel Marie-Antoinette fut condamnée à mort. Peintures et dorures évoquent des souvenirs de la justice souveraine royale. Ses yeux se reportent sur la cour.
« Coupable de complicité d’abus de biens sociaux et de recel » au préjudice de la Sofremi. Clignement de paupières. « En conséquence, la cour vous condamne à un an de prison avec sursis et ordonne la confusion des peines. » Le tribunal correctionnel, saisi du volet non-ministériel du dossier Annemasse, lui avait infligé 18 mois de sursis pour financement illégal de sa campagne aux européennes de 1999. Peine définitive depuis le 8 avril dernier.
La cour se retire. « Nous aurions préféré une relaxe totale, mais nous revenons de si loin que l’on peut s’estimer satisfaits », commentent sobrement Mes Laffont et Haïk.
« Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent… »
Sous les flashes, devant les micros tendus, M. Pasqua se félicite d’avoir « obtenu deux relaxes. L’accusation de corruption n’a pas résisté à l’examen ! ». Il ignore s’il va former un recours en cassation contre sa seule condamnation ; il dispose de cinq jours pour se décider. Le parquet général aussi. En tout cas, la menace de l’incarcération et de la déchéance s’est envolée. Après avoir profité du filtre des télévisions pour saluer famille et amis, il cite deux vers de Victor Hugo qui « me caractérisent : Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; Ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front. » Suit une déclaration de six minutes. Il estime que « ce jugement n'est qu'un épisode d'une bataille engagée voilà plus de dix ans pour la France, au service de la France ». Comprendre : on l’a attaqué parce qu’il s’est opposé au RPR. Se disant « humilié d’avoir été ainsi traité », il s’en prend au juge Courroye qui l’a assidument poursuivi (il a porté plainte contre le magistrat, aujourd’hui procureur de la République à Nanterre) : « La violation délibérée et constante de la présomption d'innocence, la négation de mon droit constitutionnel à un procès équitable, ont été les armes utilisées pour me réduire au silence (…) Le but recherché était ma condamnation, dont les juges parlementaires devaient être l'instrument malgré eux. Ces audiences ont mis en évidence les pressions avérées, irréfutables, exercées sur les témoins par le magistrat instructeur dès l'origine, tout comme la soustraction ou la disparition de pièces à décharge – pratique tendant à devenir la règle –, voire l'apparition de faux dans la procédure. Ces audiences ont aussi permis de mettre en évidence le fait que l'instruction a été conduite en violation de la constitution et des lois organiques. Dès lors ce jugement s'imposait… »
« Je me ferai entendre sur tous les sujets »
Le prévenu, qui n’a pas manqué un quart d’heure des deux semaines de procès, redevient l’homme politique aux accents gaulliens et méridionaux qui l’illustrent depuis 1968. Les « r » roulent plus que jamais. « Toute ma vie a été consacrée au service de la France. La parole retrouvée, je me ferai entendre sur tous les sujets qui sont au cœur des préoccupations des Français. La parole retrouvée, je me ferai entendre pour que l'espérance renaisse. » Il souhaite notamment qu’une commission d’enquête parlementaire soit saisie « des atteintes portées aux droits de la personne dans le cadre des gardes à vue ». Il juge que des magistrats et des policiers « se comportent comme dans un Etat totalitaire. C'est inacceptable ! Il appartient aussi au garde des Sceaux d'en tirer des leçons. Il faut doter la justice de moyens nécessaires pour mettre un terme aux conditions ignobles dans lesquelles sont traités les gens. Cela vous étonnera peut-être mais, en qualité d'ancien ministre de l’Intérieur, et en tant que citoyen attaché aux valeurs de la République, c'est à cela que je vais maintenant me consacrer ! »
Ses avocats vont, eux, se pencher sur un point juridique précis : sa relaxe, par la CJR, dans le dossier du casino d’Annemasse peut leur permettre de demander la révision de sa condamnation à 18 mois de sursis dans le même dossier.
Comme le fait remarquer Me Forster, « c’est un élément nouveau qui mérite discussion ».
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