petit retour en arrière...
L'Allemagne coupée en deux
Conformément aux accords de Yalta de février 1945, les soviétiques occupent l'est de l'Allemagne et les américains, les anglais et les français se partagent la partie Ouest. Berlin, l'ancienne Capitale, connaît la même division. Dès 1946, la méfiance s'installe chez les alliés. Churchill dénonce "le rideau de fer" qui sépare l'Europe de l'Ouest de l'Europe de l'Est. Deux blocs s'opposent, l'un capitaliste sous influence américaine, et l'autre communiste sous influence soviétique. L'Allemagne, au coeur de l'Europe, devient vite un enjeu entre les deux blocs, symbole de leur opposition. En juin 1948, les soviétiques reprochent à leur anciens alliés (contre Hitler) de vouloir recréer un état allemand à l'Ouest et ils organisent un blocus de Berlin en fermant tous les accés vers Berlin Ouest. Les USA rispostent en assurant le ravitaillement de Berlin Ouest pendant onze mois via un pont aérien. En 1949, Staline lève le blocus. Deux Etats se forment: la RFA à L'Ouest, la RDA à L'est.L'Allemagne est ainsi coupée en deux.En 1961, îlot de l'Ouest au milieu du monde communiste, Berlin est à nouveau au coeur de la "Guerre Froide"... gouvernement de la RDA construit le Mur de Berlin destiné à empêcher la fuite des habitants de l'Allemagne de l'Est vers la RFA. En 1963, Le Président Kennedy déclarera "je suis un Berlinois"... Montrant ainsi sa détermination à défendre le monde occidental...
Le mur, symbole de la division de l'Allemagne, restera une frontière étroitement surveillée et quasi-étanche jusqu'au mois de novembre 1989.
Un régime à bout de souffle
Le mécontentement populaire est-allemand grandit et le 4 septembre environ 1 200 personnes défilent à Leipzig pour réclamer des réformes et notamment la liberté de circulation vers l'Ouest. C'est le début des « manifestations du lundi » (Montagsdemonstrationen) qui auront lieu dans plusieurs villes jusqu'en mars 1990. Gorbatchev avait déjà indiqué le 6 juillet que l'Union soviétique n'interviendrait pas pour réprimer les mouvements qui agitent la RDA.
Peu après les célébrations du 40ème anniversaire de la RDA, le 9 octobre 1989, la première véritable manifestation de masse réunit 70 000 personnes, encore à Leipzig. Pour ne pas prendre la responsabilité d'un bain de sang, les responsables locaux refusent l’intervention des forces de sécurité. Le 16 octobre, c’est 120.000 manifestants qui défilent contre le régime.
Deux jours plus tard, Honecker est contraint à démissionner par le Politbüro qui nomme Egon Krenz pour lui succéder. Cette démission ne suffit cependant pas à calmer les manifestants dont les revendications de réforme du système politique ont pris entre-temps un tour de plus en plus nationaliste et incluent entre autres la réunification avec la République fédérale. Le nombre des manifestants ne cesse d'augmenter: ils sont 320 000 le 23 octobre 1989!..
Finalement, le Conseil des ministres de la RDA démissionne à son tour le 8 novembre 1989, suivi le lendemain par le Politbüro.
La chute du mur
En 1989, les ressortissants est-allemands sont de plus en plus nombreux à quitter la RDA via la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Ces pays, complètement débordés par l’afflux des réfugiés, accentuent la pression sur le régime est-allemand.
Le matin du 9 novembre 1989, Egon Krenz, le chef du parti communiste réunit en cellule de crise les membres du Politbüro pour élaborer un projet de loi pour « faciliter les voyages »… Il demande au porte-parole du gouvernement, Günter Schabowski, de rendre public ce projet le jour même, lors d’une conférence de presse retransmise en direct par la télévision et la radio est-allemandes.
La conférence de presse débute à 18 heures, devant une centaine de journalistes allemands et étrangers. Schabowski commence par évoquer des sujets généraux.
Il faut attendre 50 minutes pour qu’un journaliste italien pose enfin la seule question qui intéresse les citoyens de la RDA : Vont-ils pouvoir voyager librement ? Schabowski répond : « Nous connaissons le désir, le besoin de la population de voyager, voire de quitter la RDA ». Pendant plus de trois minutes, il tourne autour du pot. Puis, à 18 h 56, il finit par conclure : « Nous avons donc décidé aujourd’hui de prendre une disposition qui permet à tout citoyen de la RDA de sortir du pays par les postes-frontières de la RDA ».
Soudain, les journalistes se réveillent et demandent des précisions : « Dès maintenant ? » Le porte-parole se penche sur le document qu’il semble découvrir en même temps qu‘il le lit: « … les voyages privés à l’étranger pourront être autorisés sans conditions particulières ou raisons familiales. Les autorisations seront délivrées rapidement ».
Question d’un autre journaliste : « À partir de quand ? » (Schabowski) : « Pour autant que je sache… immédiatement… sans délai.'»
Schabowski ignore que les voyages devaient faire l’objet d’une demande préalable de visa. Un journaliste insiste : « C’est valable aussi pour Berlin-Ouest ? » (Schabowski) : « Oui, oui… les départs pourront s’effectuer par tous les postes-frontières de la RDA vers la RFA, y compris vers Berlin-Ouest. »
A 19h00, Schabowski clôt la conférence de presse et rentre chez lui. Tout s'emballe alors. À 19h30, les informations de la télévision est-allemande annoncent : « Les demandes de voyages privés à l’étranger peuvent être faites dès à présent sans motif particulier ». De l’autre côté du Mur, dès 20 heures, la télévision de l’ouest annonce : « Selon Schabowski, les citoyens est-allemands désireux de sortir du pays ne sont plus obligés de passer par la Tchécoslovaquie ».
À 20 h 30, les premiers citoyens de la RDA se dirigent vers les postes-frontières, qui restent fermés, car les soldats ne sont au courant de rien.
À 20 h 45, tandis que le Politbüro, toujours enfermé en cellule de crise à Berlin-Est, ignore ce qui se passe dans le pays la nouvelle parvient à Bonn, au Bundestag. La séance plénière est interrompue. Les députés se lèvent et entonnent spontanément l’hymne national.
À Berlin, une foule toujours plus nombreuse se rassemble aux postes-frontières. Les soldats reçoivent enfin des ordres. Pour calmer le jeu, ils doivent « laisser passer les plus acharnés ». Mais la situation leur échappe complètement. À 22 h 45, les informations de l’Ouest annoncent : « Ce 9 novembre est un jour historique. La RDA a annoncé que ses frontières étaient désormais ouvertes à tous. Les portes du Mur sont grandes ouvertes ».
Au même moment, les soldats est-allemands qui ne sont plus en mesure de contrôler la foule ouvrent effectivement les postes-frontières. À 0 h 02, tous les postes-frontières de Berlin sont ouverts. Durant la nuit, des dizaines de milliers d’Allemands de l’Est peuvent accéder librement à la partie ouest de la ville. Le lendemain, le gouvernement de la RDA en est encore à se demander si l’armée peut reprendre le contrôle des frontières.
Le parlement de la RDA (Volkskammer) élit le 13 novembre un nouveau président: Hans Modrow. Le monopole politique du SED, le parti communiste Est-allemand, est retiré de la constitution, ce qui ouvre a voie à des élections libres et à l’accession possible au pouvoir des autres partis politiques. Gorbatchev déclare que la réunification est une question que les Allemands doivent régler entre eux.
À partir du 7 décembre, le nouveau gouvernement dirigé par Modrow accepte de discuter avec les nouveaux groupes d'oppositions et les Églises dans une « table ronde centrale ». D'autres « tables rondes » sont formées à l'échelon communal. Les principales revendications des opposants portent sur la démocratisation du régime, la tenue d'élections libres et la dissolution du Ministère de la Sécurité d’État (Ministerium für Staatssicherheit, plus connu sous l'acronyme de « Stasi »).
La réunification allemande n'est cependant pas à l'ordre du jour.
Le 18 mars 1990, se tiennent de nouvelles élections pour la Volkskammer de la RDA. Autant à l'Est qu'à l'Ouest, de nombreuses discussions portent sur le calendrier et les modalités d'une réunification. La victoire des conservateurs de l’Allianz für Deutschland (Alliance pour l'Allemagne - coalition de trois partis conservateurs dont la CDU de l'Est) décident de recourir à l'article 23 de la loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne. Cet article permet le rattachement (« déclaration d’adhésion ») à « la loi fondamentale » de la RFA par un Land allemand où celle-ci n'était pas mise en vigueur en 1949.
Dans la nuit du 22 au 23 août 1990, la Volkskammer décida la déclaration d'adhésion avec effet le 3 octobre 1990. Il est à remarquer que cette date est unilatéralement décidée par le parlement de la RDA sans consultation avec le gouvernement ou le parlement de la RFA.
La Réunification des « deux Allemagnes »
Les modalités de la réunification furent fixées par le traité d'unification (Einigungsvertrag) signé à Berlin le 31 août 1990 et ratifié le 20 septembre par la Volkskammer avec 299 contre 80 votes et par le Bundestag de l'Ouest avec 442 contre 47 votes.
Avec « le traité des 2+4 » , un traité de paix entre les deux États allemands et les quatre puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale (États-Unis, France, Royaume-Uni, Union soviétique) signé à Moscou le 12 septembre 1990, l'Allemagne réunifiée retrouva sa pleine souveraineté au moment de la réunification.
Enfin, un traité signé le 14 novembre 1990 à Varsovie fixa les limites de l'Allemagne réunifiée à la ligne Oder-Neiße, frontière effective depuis 1945. L'Allemagne renonça donc définitivement aux anciennes provinces de Prusse-Orientale, de Silésie, de Poméranie orientale et à la partie du Brandebourg situé à l'est de ces deux rivières.
La monnaie
Le traité monétaire signé le 18 mai 1990 entre la RFA et la RDA sera probablement le premier acte significatif de la réunification allemande. Celui-ci stipula qu'à partir du 1er juillet suivant, le Deutsche Mark émis par la République fédérale d'Allemagne devenait également l'unité monétaire de la République démocratique allemande. L'ancien Mark est-allemand (ou Ostmark) fut échangé à parité.
Les privatisations
La reconversion des structures économiques est-allemandes à l'économie de marché, nécessita la privatisation de 14 000 entreprises d'État et coopératives existantes (soit 80% de l'économie de la RDA), le processus étant confié à un organisme ouest-allemand qui comptait 4000 personnes: la Treuhandanstalt qui siégeait à Berlin dans l'ancien Ministère de l'Aviation de Göring. De nombreuses liquidations d'entreprises non rentables ne purent être évitées, avec les conséquences humaines que cela supposait.
Les dettes publiques de la RDA
Les dettes est-allemandes furent transférées dès 1994 à un fond spécial et réparties à part égales entre l'État fédéral et les nouveaux Länder de l'est. Les recettes des privatisations servant en partie au désendettement.
Les Transports
Les transports berlinois
Des deux sociétés étaient dénommées « Berliner Verkehrsbetriebe » (compagnie des transports berlinois), mais avec deux sigles différents : BVG à Berlin-Ouest et BVB à Berlin-Est. Seule la BVG obtint le monopole des transports dans le Grand-Berlin. Elle reprit l'exploitation des réseaux de BVB. Elle est depuis détenue à 100% par le Land de Berlin.
Ferroviaires:
Jusqu'au 1er janvier 1994, le transport ferroviaire au niveau national relevait des deux entreprises publiques qui existaient pendant la séparation : la Deutsche Bundesbahn à l'ouest et la Deutsche Reichsbahn (DR) à l'est. Celles-ci fusionnèrent pour créer la Deutsche Bahn société anonyme dont le capital est détenu à 100% par l'État fédéral.
Aériens:
Des deux sociétés nationales existantes : Lufthansa à l'ouest et Interflug à l'est, seule la seconde ne survécut pas à la réunification. Interflug cessa ses activités en 1991.
Les postes et télécommunications
Les sociétés en charge des postes et télécommunications : Deutsche Bundespost pour l'ouest, Deutsche Post pour l'est, fusionnèrent le 1er juillet 1989, pour créer trois entreprises publiques distinctes :
Deutsche Bundespost Postbank : chargée de la banque postale et ses services financiers
Deutsche Bundespost Telekom : chargée des communications électroniques
Deutsche Bundespost Postdienst : chargée du service postal fédéral
Les nouveaux Länder
La loi votée par la Volkskammer le 22 août 1990 sur la reconstitution des anciens Länder dissous en 1952, fut l'application de la condition sine qua non d'une entrée de la RDA dans la loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne par le biais de son article 23. Ainsi, furent recréés les Länder de Brandebourg, Mecklembourg-Poméranie occidentale, Saxe, Saxe-Anhalt et Thuringe.
L'armée
Une partie des effectifs de la RDA a été intégrée dans la Bundeswehr lorsqu'ils présentaient des gages de respect de la constitution de la RFA. Une sorte de "décommunisation" (par analogie avec la dénazification) a alors eu lieu. Les officiers les plus haut gradés ont été placés en retraite d'office. Une partie de l'armement a été vendue ou donnée aux pays intéressés (Pays de l'Est, Proche Orient etc…). Le reste fut rebuté ou occidentalisé (mise aux normes OTAN) et intégré dans la Bundeswehr (par exemple : les MiG-29).
Le nouveau Berlin
Les structures institutionnelles des deux municipalités (le Sénat de Berlin-Ouest et le conseil municipal de Berlin-Est) avaient tenu leur première réunion commune le 12 juin 1990. Mais la réunification de la ville de intervint le même jour que la réunification du pays, tout en retrouvant également son statut de capitale fédérale (en même temps que son statut de Land allemand).
La Constitution de Berlin votée par le Sénat Ouest-berlinois le 1er septembre 1950 et valable pour l'ensemble du Land, entra donc en application le 3 octobre 1990.Le même jour eurent lieu les premières élections municipales communes.
L'essentiel des institutions fédérales s'installa dans la ville de façon définitive :
La Présidence au Château de Bellevue ;
La Chancellerie dans un nouveau bâtiment de 12 000 m² construit à cet effet ;
Le Bundesrat dans l'ancienne Chambre des seigneurs de Prusse ;
Le Bundestag dans l'ancien Palais du Reichstag.
Bonn qui fut capitale provisoire de République fédérale perdit donc ce statut au profit de celui de « ville fédérale », statut unique octroyé à une ville allemande. Tandis que pour des raisons plus financières que politiques, de nombreux ministères, ambassades et autres institutions n'ont pas été transférés à Berlin et sont restés à Bonn.
François GRENIER
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